Dans une période ou l’industrie est assez mal financièrement, ne pensez-vous pas qu’INTERNET permet à des labels talentueux de pouvoir retrouver/trouver un circuit de distribution moins couteux et surtout plus flexible ?

Internet est un nouveau canal de distribution, en effet moins couteux dans la mesure où il évite les différents coûts inhérents à la distribution de CDs (fabrication, stockage, transport, reprises des invendus …). Il est aussi et surtout beaucoup plus flexible que ne l’est la distribution traditionnelle de CDs en magasins, et offre à ce titre de très grandes possibilités quant au produit final commercialisés (nombre de titres, prix, durée des titres ou de l’album, « plus produits » tels que les clips, livrets digitaux, liens, etc …).  De plus en plus de produits (souvent des EPs, maxis ou compilations) sortent d’ailleurs uniquement en digital.

Ceci étant dit, il faut quand même insister sur le fait qu’internet, en tant que nouveau canal de distribution, n’est justement qu’un canal de distribution, et qu’ils de dispense en rien de passer par tous les autres maillons de la chaine que constitue de développement et l’exploitation d’un album, maillons qui sont autant de centres de coûts et de compétences spécifiques indispensables :  la production/enregistrement d’un album, la promotion media (presse, radio, TV, internet, new medias…), le marketing musical au sens le plus large, le développement de la carrière scénique de l’artiste, etc, etc …

Un artiste, aussi talentueux soit-il, ne réussira que très rarement à vivre de son art, s’il se contente de s’auto-produire et de distribuer son oeuvre sur Internet, sans être accompagné par des professionnels (manager, attaché de presse, label, tourneur, éditeur …) sur les différents maillons de la chaine évoqués ci-dessus.

De même qu’un label qui ne fait que produire et distribuer des artistes sans les promouvoir et les accompagner sérieusement sur l’ensemble de leur carrière, n’ira pas bien loin. Il y a bien sûr quelques très rares exceptions mais ce serait une grave erreur que de croire que celles-ci deviendront une généralité grâce à internet.

Ajoutons à cela que les ventes de phonogrammes (CDs ou téléchargement) sont en chute libre depuis 5 ans et que les ventes numériques continuent à représenter bien moins de 50% des ventes totales.

Pour finir sur une note plus positive, je dirais qu’Internet est aussi un media, peut-être déjà ou bientôt le plus puissant des médias, démocratique par essence, et qu’il est à ce titre beaucoup plus accessible que tous les autres médias pour n’importe quel jeune artiste ou petit label.  Ces derniers, artistes ou labels, arrivent donc aujourd’hui à commencer leur développement, avec très peu de moyens, grâce à Internet comme unique média et unique canal de distribution.

Mais ce n’est la plupart du temps qu’un commencement et cela reste largement insuffisant d’autant qu’Internet est un média beaucoup plus compliqué que les autres, et que la plupart des labels, petits ou gros, ne le maitrisent pas si bien que ça et ne l’utilisent souvent qu’à 10% des ses capacités.

Pour vous, quelle est la raison de la chute des ventes de disques ? Pensez-vous que l’offre si restreinte du aux coups de productions peut en être la cause ?

La crise du disque a commencé avant Internet. Tout d’abord avec la vulgarisation de la copie (gravure) sur CD vierge, avec le fait que le support CD est devenu un peu vieillissant, et enfin et surtout, avec l’avènement de nouveaux centres d’intérêts modernes et couteux pour les jeunes : la téléphonie mobile (abonnement et terminaux) et les jeux vidéo (consoles et jeux) …

Parallèlement, Internet est arrivé et a permis à ces mêmes jeunes qui continuaient à aimer la musique mais qui dépensaient l’essentiel de leur budget dans ces nouveaux loisirs, de continuer à écouter et consommer de la musique gratuitement. Le piratage de la musique sur Internet n’est donc pas la cause première de la crise du disque mais il finit par y participer très activement, d’autant que les plus jeunes (12-18) sont nés avec Internet, le P2P et d’autres processus de partage, et n’ont même plus conscience que la musique a un coût et une valeur, et qu’il est donc normal de la payer.

Pour répondre à votre 2ème question, je ne pense pas du tout que l’offre soit si restreinte aujourd’hui (à part peut-être dans certaines majors qui ont très sensiblement réduit le nombre de nouvelles signatures).

Grâce à l’évolution des technologies, les coûts de production ont très sensiblement baissé ces dernières années. Il est beaucoup plus facile de produire de la musique de qualité à faible coût sans passer systématiquement par un studio d’enregistrement très couteux aujourd’hui. Même si là aussi, la technologie ne remplace pas le talent et les compétences.

En d’autres mots, un artiste, si talentueux et si bien équipé qu’il soit, peut être un très mauvais producteur de sa propre musique.  Mais globalement, qu’elle vienne de labels ou d’artistes auto-produits, l’offre est abondante et souvent de très bonne qualité. Le problème est donc ailleurs.

Comment se passe votre sélection des labels/artistes que vous distribuez ?

Pour les raisons évoqués dans la réponse à votre première question, nous ne signons pas d’artistes auto-produits (ou seulement à titre exceptionnel) et sommes très sélectifs dans le choix des labels avec lesquels nous signons.

Si la taille ou le style musical nous importe peu, nous ne souhaitons collaborer qu’avec ce que nous pensons être de bons labels ; cette notion est bien sûr assez subjective mais cela signifie pour nous au moins un certain niveau de qualité artistique, un vrai savoir-faire ainsi qu’un dynamisme à toute épreuve.

C’est à cette condition que nous pouvons ensuite apporter une vraie plus value, avoir un échange constructif, créer un effet de synergie et être un véritable accélérateur de ventes et donc de revenus.

En outre, le fait de limiter le nombre des labels que nous distribuons nous permet de rester disponibles et d’offrir à chacun d’eux une collaboration étroite et personnalisée.

C’est en ayant ce niveau d’exigence que nous maintenons un haut niveau de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires et que nous pouvons rester disponibles et performants vis-à-vis de nos labels.

Quels conseils donneriez-vous à un label ou jeune artiste qui démarre avant d’envisager une distribution en ligne ?

Je lui dirais de profiter d’abord au maximum des nombreuses possibilités qu’offre l’outil Internet pour commencer à exister et à trouver son public, à travers des sites communautaires comme myspace, facebook, virb, youtube, dailymotion et autres, mais aussi à travers leurs propres sites… en étant le plus dynamique et le plus proactif possible.

Mais qu’il faudra parallèlement commencer à exister sur scène en se rodant dans des bars ou des clubs et en essayant de tourner le plus possible. Car c’est là que se passe la véritable carrière d’un artiste.

Et qu’une fois que tout cela est enclenché, il est bien sur intéressant d’envisager une distribution en ligne, parce que ça peut représenter un petit revenu additionnel mais aussi et surtout parce que cela constitue un excellent indicateur du développement et du succès naissant d’un artiste, pour lui-même et pour d’éventuels futurs partenaires.

Ensuite, si cette première étape (auto-production, auto-promo, auto- distribution) est aujourd’hui essentielle, je persiste à dira qu’elle ne suffit pas et qu’à quelques rares exceptions près, aucun artiste débutant ne réussira à vivre de son art en se contentant de cette première étape. Il faudra très vite tout faire pour s’entourer de professionnels*, pour bénéficier de leur expertise/compétences et de leurs réseaux, et pouvoir se consacrer essentiellement à son art (écriture, composition, enregistrement, répétitions, promo, concerts …) plutôt que de passer trop de temps à jouer les pseudo manager ou producteur, ce qui n’est pas en général la qualité première d’un artiste. Mais plus un artiste aura été actif et efficace dans cette première étape, plus il aura de chance de trouver un bon professionnel qui accepte de l’accompagner.

* : Ces professionnels peuvent être un manager et/ou un label et/ou un producteur de spectacles et/ou un éditeur, la fonction de manager étant certainement la plus importante pour un jeune artiste, car c’est lui qui va aider l’artiste à rechercher, attirer  et sélectionner tous les autres professionnels.

Idol en chiffres aujourd’hui, pouvez-vous nous en dire plus (combien êtes vous, le volume de labels et ventes mensuel) ?

IDOL est aujourd’hui une équipe d’un peu plus d’une dizaine de personnes, dont 2 ingénieurs informatiques qui développent la totalité de nos outils techniques en interne, le reste étant constitué essentiellement de professionnels issus de l’industrie musicale.

Nous distribuons aujourd’hui une soixantaine de labels, représentant environ 35 000 titres. Notre CA double chaque année et la situation économique est extrêmement saine puisque nous avons toujours été à l’équilibre.